Dans la nuit du 7 au 8 avril 2020, un grand canidé a été pris en photo, par un appareil automatique, sur la commune de Londinières, au nord du Pays de Bray, dans le département de Seine-Maritime.
Les clichés ont été transmis le 12 avril à l’Office français de la biodiversité (OFB), établissement public en charge du suivi du loup en France. Malgré la qualité relative des clichés, les experts de l’OFB ont pu authentifier cette observation comme étant très probablement celle d’un loup gris (Canis lupus lupus).
Si la présence du loup en Seine-Maritime est une première depuis plus d’un siècle, l’espèce est connue pour sa grande capacité de colonisation. Ainsi, depuis la réapparition du loup dans les Alpes du Sud en 1992, l’espèce s’est installée sur les principaux massifs montagneux français. Elle est ponctuellement mais régulièrement aperçue sur des territoires éloignés du cœur de population alpin (ie les meutes). Ainsi plusieurs indices de sa présence ont été retenus au cours des derniers mois en particulier dans l’Indre, l’Eure-et-Loir, la Somme ou encore les Charentes.
Ce type d’observation d’un animal seul et éloigné des zones où l’espèce est installée, est caractéristique des individus en phase de dispersion, phénomène qui intervient deux fois dans l’année au printemps ou à l’automne. Ainsi en octobre-novembre, les jeunes nés au printemps prennent pleinement leur place au sein du groupe, contraignant d’autres individus à quitter la meute pour chercher un nouveau territoire où s’établir. Entre février et mars, les subadultes qui ne peuvent se reproduire au sein des meutes quittent leur territoire de naissance en quête d’un partenaire sexuel. Ces individus en phase de colonisation, âgés de 1 à 3 an, peuvent séjourner plusieurs mois dans un secteur avant de le quitter et ainsi parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant de se fixer, et cela en quelques mois. Ils participent ainsi à l’expansion spatiale de l’espèce. Ce système de colonisation par « bonds » est caractéristique du loup. Le nouveau territoire d’installation peut être séparé de la meute d’origine de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres (distances de dispersion records pouvant dépasser les 1500km depuis le lieu de naissance), laissant des espaces vides qui peuvent être colonisés par la suite. Cela explique notamment certaines observations isolées, loin des zones de présence permanente connues, comme ici en Seine Maritime. La rapidité de déplacement et la discrétion de cette espèce fait qu’un individu peut facilement passer inaperçu le long de son trajet de dispersion. Les facteurs influençant les déplacements et l’installation des individus ne sont à ce jour pas expliqués, ce qui rend impossible la prévision de cette colonisation en termes de distance et de vitesse d’expansion.
A ce stade, cette observation en Seine-Maritime ne permet pas d’affirmer que le loup s’installe dans le département. La capitalisation des informations dans le temps est nécessaire pour évaluer l’évolution de la situation. Ainsi, mandaté par le Ministère en charge de l’Environnement en matière de suivi du loup, l’OFB (établissement public de l’Etat) dispose d’un maillage territorial d’agents spécialement formés à la reconnaissance des indices de présence du loup et aux expertises en cas de dommage aux troupeaux domestiques, y compris dans la totalité des départements normands.
Toute observation suspecte de grand canidé ou toute prédation sur animaux sauvage ou bétail domestique doit être rapidement signalé au service départemental compétent de l’OFB (service départemental de Seine-Maritime sd76@ofb.gouv.fr) qui en réalisera le relevé.
N Pfeiffer / OFB