Le matin du mardi 4 février 2020, un grand canidé a été pris en photo, trottant dans un champ de céréales sur la commune de Chasseneuil dans le sud-ouest du département. Deux observateurs ont transmis des photographies aux spécialistes de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) qui ont pu authentifier ces observations comme étant celles d’un loup gris (Canis lupus lupus). D’autres observations ont également été signalées depuis le début du mois dans le département mais n’ont pas permis l’authentification de l’espèce.
En région Centre-Val de Loire, une première observation visuelle d’un loup avait été retenue d’après cliché par le Réseau loup-lynx en août 2019 au nord du département d’Eure-et-Loir. C’est donc la deuxième fois qu’un loup est formellement identifié dans la région. Les photographies prises dans l’Indre ne permettent pas de déterminer l’origine géographique de cet animal mais des indices biologiques (poils) ont été découverts sur place et vont permettre après analyse d’en savoir plus sur la lignée dont il provient.
Si la présence du loup dans l’Indre est une première depuis plus d’un siècle, l’espèce est connue pour sa grande capacité de colonisation. Ainsi, depuis la réapparition du loup dans les Alpes du Sud en 1992, l’espèce s’est installée sur les principaux massifs montagneux français. Elle est ponctuellement mais régulièrement notée sur des territoires éloignés du cœur de population alpin (ie les meutes). Ainsi plusieurs indices de sa présence ont été retenus au cours des derniers mois en particulier dans la région Nouvelle-Aquitaine.
Ce type d’observation d’un animal seul et éloigné des zones où l’espèce est installée, est caractéristique des individus en phase de dispersion qui intervient deux fois dans l’année au printemps ou à l’automne. Ainsi en octobre-novembre, les jeunes nés au printemps prennent pleinement leur place au sein du groupe contraignant d’autres individus à quitter la meute pour chercher un nouveau territoire où s’établir. Entre février et mars les subadultes qui ne peuvent se reproduire au sein des meutes quittent leur territoire de naissance en quête d’un partenaire sexuel. Ces individus en phase de colonisation, âgés de 1 à 3 an, peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant de se fixer, et cela en quelques mois. Ce système de colonisation par « bonds » est caractéristique du loup. Le nouveau territoire d’installation peut être séparé de la meute d’origine de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres (distances de dispersion records pouvant dépasser les 1500km depuis le lieu de naissance), laissant des espaces vides qui peuvent être colonisés par la suite. Cela explique notamment certaines observations isolées, loin des zones de présence permanente connues, comme dans l’Indre. La rapidité de déplacement et la discrétion de cette espèce fait qu’un individu peut facilement passer inaperçu le long de son trajet de dispersion.
A ce stade, cette observation dans l’Indre ne permet pas d’affirmer que le loup s’installe dans le département. La capitalisation des informations dans le temps est nécessaire pour évaluer l’évolution de la situation. Ainsi, mandaté par le Ministère en charge de l’Environnement en matière de suivi du loup, l’OFB (établissement public de l’Etat) dispose d’un maillage territorial d’agents spécialement formés à la reconnaissance des indices de présence du loup et aux expertises en cas de dommage aux troupeaux domestiques, y compris dans la totalité des départements de la région Centre-Val de Loire.
Le préfet de l’Indre recommande aux éleveurs une vigilance renforcée dans la surveillance de leurs troupeaux. L’ensemble des services concernés sont mobilisés pour suivre l’évolution de la situation. Toute observation de grand canidé ou toute suspicion de dommage aux troupeaux domestiques doit être rapidement signalée au service départemental compétent de l’OFB (service départemental de l’Indre : 02 54 24 58 12 ou 02 54 29 38 75 ou sd36@ofb.gouv.fr).
P. Hurel / OFB