Suivi – Analyses et indicateurs
Crédit photographique : P. Massit/ONCFS
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P. Massit/ONCFS
Crédit photographique : Y. Léonard / ONCFS
Crédit photographique : P. Massit / ONCFS
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La répartition des loups en France
Objectifs :
– suivre l’expansion du loup sur le territoire français ;
– délimiter des secteurs de présence et définir des zones d’éligibilité à la mesure de protection des troupeaux contre la prédation.
Protocole : suivi extensif opportuniste.
Le premier degré du suivi du loup se fait au niveau du territoire national et consiste à relever des indices de présence afin de savoir où est le loup. Ce suivi est réalisé par les correspondants du réseau Loup-lynx de manière extensive (sur un territoire très étendu, y compris au delà du front de colonisation) et opportuniste (les indices sont collectés en continu tout au long de l’année).
La compilation des indices de présence et des constats d’attaques aux troupeaux domestiques sert à établir la carte de détection de présence du loup. Depuis octobre 2019, l’unité géographique de restitution est la maille 10×10, standard utilisé au niveau européen.
Comme le loup est une espèce discrète, afin d’éviter les défauts d’observation, ces cartes sont basées sur la synthèse de deux années de suivi biologique. Elles classent les mailles en présence dite régulière et occasionnelle, sur la base de l’abondance et de la récurrence des indices de présence du loup au cours des deux biennales chevauchantes passées.
Crédit photographique : P. Massit/ONCFS
Les zones de présence permanente (ZPP)
Objectif : suivre l’évolution du nombre de groupes sédentarisés.
Protocole : suivi hivernal et suivi estival.
L’évolution du nombre de groupes sédentarisés est un bon indicateur de l’évolution générale de la population. L’indicateur des zones de présence permanente (ZPP) est mis à jour deux fois par an à l’occasion de deux protocoles complémentaires : le suivi hivernal et le suivi estival.
Suivi hivernal – Identifier la taille des groupes
Le suivi hivernal renseigne sur la taille des groupes et la présence ou non de meutes. Il consiste en la recherche d’empreintes et de pistes sur un ensemble d’itinéraires. Les empreintes, les pistes et leurs aiguillages permettent d’estimer un nombre minimal d’individus dans les groupes. Ces prospections sont réalisées en cherchant à optimiser la couverture spatiale du territoire sur chaque ZPP et ceci tout au long de l’hiver. Ces relevés sont réalisés entre novembre et mars, période durant laquelle la cohésion sociale des meutes est la plus forte.
Suivi estival – Confirmer la reproduction
Le suivi estival est conduit sur des territoires de présence connue, abritant à la fin de l’hiver précédent au moins deux animaux, ou sur des territoires où la connaissance est à approfondir (par exemple : est-on en présence d’une ou de deux meutes ?). Ayant lieu l’été (d’août à mi-septembre), il consiste à provoquer, par simulation de leurs hurlements, la réponse des loups. Dans de bonnes conditions, une oreille avertie identifiera les louveteaux qui hurlent dans des tonalités très différentes des adultes. L’objectif est ainsi de confirmer la reproduction et donc le statut de « meute » du groupe.
L’ensemble de ces indices sert à établir des cartes de zones de présence permanente (ZPP) en distinguant les statuts « meutes » (à compter de trois individus ou dès qu’une reproduction est mise en évidence) et « non-meutes » (un ou deux individus sans reproduction avérée).
Crédit photographique : Y. Léonard/ONCFS
Les indicateurs démographiques
Objectifs :
– Suivre l’évolution démographique de la population de loups (effectifs et paramètres de survie, mortalité) afin de renseigner l’état de conservation de l’espèce
Protocole : suivi hivernal, suivi extensif opportuniste, suivi génétique
La connaissance du nombre exact de loups est l’objet de nombreux débats et de tensions. Rares sont les pays qui proposent une estimation précise de leur population lupine à grande échelle, cela nécessite des moyens lourds de mise en œuvre sur le terrain. L’OFB déploie ainsi des moyens importants pour le suivi de la population de loups en continu, que ce soit pour détecter la présence de nouveaux territoires conquis ou le suivi des meutes déjà installées. L’ensemble des méthodes a fait l’objet d’audits internationaux et d’expertises et reconnus comme l’un des plus performant en la matière.
Combien de loups ? : l’estimation des effectifs par la méthode dite de Capture-Marquage-Recapture « CMR »
Dans la nature, le comptage exhaustif de tous les individus d’une espèce présents sur un site est impossible. C’est d’autant plus vrai pour les espèces qui couvrent un vaste territoire et dont les habitudes de vie restent discrètes comme un prédateur tel que le loup.
Il existe depuis longtemps des méthodes d’estimation des effectifs de populations d’animaux sauvages. Ces méthodes statistiques reposent généralement sur la capture d’individus (échantillon représentatif de la population), leur marquage (type collier/bague) et leur recapture ultérieure. Cette méthode porte le nom de capture, marquage et recapture (CMR). Le calcul des effectifs CMR consiste en premier lieu à intégrer le fait que tous les animaux ne sont pas détectables à un instant t pour corriger le nombre d’animaux détecté par le risque de les rater.
Dans le cas du loup, ce ne sont pas les animaux que l’on capture mais leur ADN (grâce aux déjections, sang et poils que les animaux laissent sur le terrain) ! L’analyse de l’ADN permet d’obtenir un profil génétique de l’individu. On dit dans ce cas qu’il s’agit d’une méthode non invasive, car elle n’implique pas de manipulations de l’animal. Il serait d’ailleurs irréaliste d’envisager la capture physique des loups au regard du coût et des moyens humains à y consacrer !
Ce sont donc ces signatures génétiques individuelles identifiées au cours du temps qui, par application de modèles statistiques reconnus, vont permettre d’estimer l’effectif de loups en France, tout en tenant compte du risque de rater certain animaux
Grace au « capture » ADN et à leur « recapture » (ou non recapture) d’année en année pour chaque individus connus dans la population, sont ainsi calculé une probabilité de détection dédiée à chaque catégorie d’animaux. Cette probabilité sert alors de facteur de correction pour estimer l’effectif réel.
Les analyses génétiques demandant de lourds moyens logistiques et financiers pour leur mise en œuvre, la technique ne peut pas être déployée en temps réel. Pour compenser ce délai, les scientifiques ont donc mis en place une formule de projection des effectifs pour l’année n, fonction des ZPP détectée par le réseau. La projection est régularisée à l’année n+1, le temps de procéder aux analyses.
Crédit photographique : P. Massit/ONCFS
Le suivi génétique : espèce, lignée, profil individuel et hybridation
Description des analyses génétiques
L’analyse génétique réalisée à partir des indices biologiques reste délicate, d’autant plus que les quantités d’ADN retrouvées sont souvent très faibles et dégradées, nécessitant l’emploi de technologies de pointe.
L’ADN provient des cellules de l’animal retrouvées en partie dans les échantillons biologiques (crottes, sang, urine, poils, tissus) qui ont été recueillis sur le terrain, ainsi qu’à partir des dépouilles de loups.
La première étape repose sur l’extraction, la purification, puis l’amplification de l’ADN.
Deux types d’ADN peuvent être analysés : l’ADN nucléaire et l’ADN mitochondrial. L’ADN mitochondrial (présent dans les mitochondries des cellules) est hérité intégralement de la mère et l’ADN nucléaire (présent sous forme de chromosomes dans le noyau des cellules) pour moitié des deux parents.
ADN mitochondrial : espèce et lignée
Les analyses génétiques réalisées au niveau mitochondrial permettent de déterminer l’espèce et la lignée génétique.
La caractérisation de l’ADN mitochondrial se fait par séquençage (ou « lecture ») de sa région de contrôle.
Cette région non codante est très stable et les séquences typiques de chaque espèce et de chaque sous espèce sont référencées dans des banques mondiales de dépôt (Genebank). Au sein d’une même espèce quelques points de mutation se sont créés au cours du temps dans certaines populations, qu’elles soient isolées, ou au contraire au contact les unes des autres. Cet ADN mitochondrial est donc la marque populationnelle de l’animal.
Il existe ainsi plusieurs haplotypes représentatifs de chaque lignée génétique de loup . Si les lignées d’Europe de l’est recensent plusieurs haplotypes, en France et en Italie, tous les animaux analysés sont porteurs de l’haplotype unique dit « w22 », référencé dans le dernier standard européen réalisé par M. Pilot (2010). Seul un individu porteur de l’haplotype w1 (lignée Europe de l’Est), détecté dans le massif central en Lozère déroge à la règle. Son origine naturelle (via la colonisation par Allemagne ou Belgique) ou captive reste pour l’heure inconnue.
Avec l’augmentation de l’aire de répartition des populations de loup en Europe, la rencontre entre la lignée italo-alpine (actuellement présente en France, Italie et Suisse) et celles d’Europe de l’Est ou d’Espagne est probable à moyen terme.
ADN nucléaire : profil individuel et hybridation
Profil individuel
Les analyses génétiques réalisées au niveau de l’ADN nucléaire permettent d’établir une empreinte génétique individuelle constituée de 22 marqueurs microsatellites et d’un marqueur de sexe, dont 11 marqueurs microsatellites spécifiquement sélectionnés pour la détection de l’hybridation entre le chien et le loup. Ces 22 marqueurs sont une représentation de la totalité du génome qui comporte plus de 20 000 gènes. Cette représentation a été étudiée préalablement pour être très robuste dans l’identification de chaque individu.
Les profils individuels sont notamment utilisés pour le suivi de la population et le calcul des effectifs par la méthode CMR .
Hybridation
L’hybridation ne peut être décelée que par une analyse fine de l’ADN hérité des deux parents (ADN nucléaire). Pour deux espèces extrêmement proches comme le loup et le chien (plus de 99 % d’ADN commun), un panel de marqueurs permet d’assigner, par une méthode statistique, des combinaisons caractéristiques d’allèles des différentes populations susceptibles de se croiser (loups et chiens) et de leurs hybrides.
Les profils génétiques individuels obtenus à partir des 22 marqueurs sont comparés à deux populations de référence : celles des loups italo-alpin et celles des chiens couvrant une grande variété de races (y compris les races connues de chien-loup).
Le choix de la population de référence (ici italo-alpine) revêt une importance toute particulière. En effet si la carte d’identité de l’individu était comparée à l’ensemble des populations de loup, les chances de trouver un hybride seraient noyées dans la diversité génétique mondiale. Ainsi le choix de scanner uniquement la population de référence dans laquelle l’animal se trouve nous permet de d’améliorer le pouvoir de détection des hybrides. Toutefois l’identification d’une autre lignée que celle présente en France (w22) est repérée avant dans la phase d’analyse mitochondriale.
L’analyse ne mesure pas un pourcentage d’ADN de chien versus de loup dans le génome de l’animal scanné mais donne une probabilité que l’échantillon appartienne à l’une ou l’autre des espèces de référence (loup et chien). Une probabilité de 50% est attendue pour louveteau né d’un croisement loup-chien de première génération (dit F1) et dans le même raisonnement le rétrocroisement d’un hybride F1 avec un loup, une probabilité de 75% serait attendue. Cependant ces probabilités sont entachées d’un intervalle de confiance nécessitant alors un regard d’expert généticien.
Estimation du taux d’hybridation dans la population française de loups