La fin de l’automne et le début d’hiver correspondent à une phase importante pour la vie de la meute et le suivi hivernal qui débute. Ainsi, au cours de cette période les louveteaux intègrent le groupe et certains subadultes le quittent…
L’automne est caractérisé par une croissance rapide des louveteaux…
Entre les mois de septembre et décembre, les jeunes loups nés au printemps ont bien grandi. Ainsi, dès le mois d’octobre on ne les distingue plus de leurs parents par les empreintes qu’ils laissent sur le terrain.
De plus, une forte poussée de croissance en octobre-novembre leur fait rapidement atteindre la taille au garrot des adultes. Donc, le plus souvent, dès le début du suivi hivernal (1er novembre), il est bien difficile de reconnaître les jeunes à leurs empreintes ou à leur taille sur les clichés.
Jeux des louveteaux à la mi septembre © C. Arnaud / OFB
4 loups près d’un point d’eau à la fin octobre. Les 2 animaux plus sombres sont les jeunes de l’année © J. L’huillier / ONF
Déplacement d’une meute début novembre. Les différences de gabarits entres jeunes et adultes sont peu marquées © M. Tronel / OFB
Passage d’une meute au complet début décembre. Les gabarits des différents individus sont identiques © C. Girardon / PN Mercantour
De plus, la mue automnale modifie radicalement l’allure des louveteaux. Avec leur pelage d’hiver, ils apparaissent plus massifs, ce qui accentue la possibilité de les confondre avec des animaux adultes.
Louveteau à la fin novembre, au pelage hivernal © M. Krammer
Pourtant leur comportement demeure le plus souvent moins craintif que celle d’animaux plus expérimentés. Ainsi, une attitude curieuse vis-à-vis de l’homme, qui cherche à jouer, d’un animal âgé de 6 mois mais qui présente les caractéristiques morphologiques d’un adulte, peut être interprétée comme un cas d’animal ayant perdu la « peur instinctive de l’Homme » et pouvant devenir agressif, alors qu’il s’agit simplement d’une attitude passagère d’un individu jeune et encore largement inexpérimenté.
Louveteau à l’automne sur une meute allemande © Arte / extrait de « les loups nos voisins »
La fin de la période automnale est également marquée par la dispersion des subadultes…
Les jeunes de l’année intègrent le groupe et participent activement à la chasse et à la vie de la meute.
6 loups hurlent en se déplaçant, au début novembre © RN des Hauts plateaux du Vercors
La taille du groupe augmentant, la compétition pour l’accès à l’alimentation s’en trouve accrue. C’est à cette période qu’un certain nombre de subadultes (âgés d’1 à 3 ans) quittent leur « famille » pour aller trouver un nouveau territoire et s’installer : c’est la dispersion d’automne. Lors de cette phase qui peut durer plusieurs mois, les animaux disperseurs peuvent parcourir des distances impressionnantes, jusqu’à plus de 1500 km.
Naya, jeune louve de lignée polonaise issue d’une meute de l’est de l’Allemagne, est capturée le 13/10/2016 et équipée d’un collier GPS-GSM, à l’âge de 5 mois. Un an plus tard, le 23/10/2017, elle quitte son territoire natal. Le 18/12 elle arrive aux Pays-Bas, puis le 04/01/2018 en Belgique. Elle a parcouru au moins 980 km, dont plus de 500 km en 10 jours, dans un paysage fragmenté (autoroutes, fleuves…).
En France, où les animaux ne sont aujourd’hui pas suivis par collier GPS, la visualisation des trajets de dispersion est accessible a posteriori grâce au suivi génétique de la population. En effet, la « capture » de la signature génétique (grâce aux crottes, urines, poils et sang) d’un individu au sein d’une meute puis quelques mois plus tard sur un territoire éloigné de celui de sa meute d’origine, nous indique le plus souvent un cas de dispersion active et témoigne des fortes capacités de colonisation de l’espèce.
Exemple de dispersion suivie à l’aide de la génétique, d’un individu né au sein d’une meute savoyarde. Il débute sa dispersion en 2013 (département du Jura en décembre) et poursuit sa recherche jusqu’en Ardèche (octobre 2014), puis la Lozère et L’Hérault (février 2016).
Le phénomène de dispersion est encore largement méconnu, tant vis-à-vis des mécanismes déclencheurs qui sont à l’œuvre, du déterminisme qui en fixe la durée, la direction suivie par les animaux ainsi que l’arrêt du phénomène. Aussi, il est bien hasardeux d’en prévoir l’issue en terme de prospective quant à la probabilité de colonisation d’un territoire, à la fois dans le temps et dans l’espace. Sur le plan du mode de déplacement des animaux, celui-ci n’est pas homogène dans le temps et l’espace. On observe le plus souvent une série de brefs « sauts de puce » avec des déplacements conséquents (plusieurs dizaines de kilomètres), espacés par des périodes de relative stabilité sur un espace restreint.
Déplacements d’un mâle disperseur, suivi par collier GPS dans la zone d’exclusion de Tchernobyl (Ukraine), entre le 03-11-2014 et le 29-08-2015. Les dates sur la carte précisent le début de la dispersion, la date de dernière localisation de l’animal, ainsi que les dates correspondant à des intervalles de localisation conséquents © Springer-Verlag GmbH Germany, part of Springer Nature 2018 (Michael E. Byrne et al, 2017)
Une des raisons du dynamisme fort qui caractérise les capacités de déplacement de l’espèce est que ce phénomène de dispersion se produit également au printemps (février-mars), au moment du rut. A cette période, les subadultes, soumis à l’autorité du groupe et des animaux dominants, peuvent quitter la meute pour tenter de trouver un partenaire pour se reproduire.
P-E Briaudet / OFB