Saison 1 : Les indicateurs de suivi de la population de loup en France et leurs limites
Le suivi du loup en France dont a la charge l’Office Français pour la Biodiversité (OFB) se déroule suivant des modalités et des protocoles qui sont en place depuis près de 25 ans. La pierre angulaire de ce suivi est le réseau multipartenaires loup-lynx, fort de près de 4500 correspondants formés depuis ses débuts. La collecte des indices de présence n’est pas limitée à des zones spécifiques. En effet, les correspondants couvrent aujourd’hui la totalité du territoire national avec le renfort des agents de l’OFB pour maintenir une veille sur les territoire ou l’espèce n’est pas détectée. C’est ce réseau de suivi qui fait référence et sur lequel l’Etat s’appuie pour décliner sa stratégie de gestion de l’espèce. Toute personne peut faire part des éléments qu’elle relève sur le terrain, et qui seront analysés par nos services de la même façon. De même, toute personne qui en fait la demande peut devenir correspondant du Réseau (formation de 2 jours, en fonction des places disponibles) et participer activement au suivi de l’espèce.
Il faut garder en tête qu’une grande partie des indices de présence peuvent facilement être confondus avec d’autres espèces plus banales (chiens, renards, etc…). En particulier, les excréments sont soumis à des analyses génétiques pour en déterminer l’origine avec rigueur. En effet, dans la majeure partie des cas, les seuls aspects et contenus des excréments ne sont pas suffisants pour caractériser l’espèce d’origine avec certitude. Si vous possédez des informations susceptibles d’intéresser le Réseau, vous pouvez nous envoyer un message via notre formulaire de contact, en prenant soin d’indiquer le lieu géographique de l’indice de présence, ainsi que vos coordonnées. Nous orienterons votre demande vers un correspondant local qui pourra prendre contact avec vous afin de relever les éléments pertinents pour l’analyse et ainsi prendre en compte de façon rigoureuse vos données.
Le suivi s’opère à 2 niveaux : un suivi opportuniste extensif et un suivi intensif :
Le premier niveau permet d’obtenir des cartes de détection de l’espèce, mises à jour annuellement. Ces résultats sont élaborés à partir des données des indices de présence et constats de dommages retenus comme attribuables à l’espèce, selon un procédé de suivi calé sur une période de trois ans, on parle de 2 biennales chevauchantes, (vous pouvez consulter la dernière carte de 2019: données du 01/04/2016 au 31/03/2019 ainsi que l’explication de cette méthodologie). En effet, c’est une méthode reconnue comme étant robuste statistiquement et qui permet notamment de lisser les aléas de détection d’une espèce évoluant à faible densité sur de grandes superficies comme dans le cas du loup (on parle d’espèce cryptique). Il ne s’agit pas d’une carte qui “colle” à l’actualité récente (6 derniers mois) en matière d’indices de présence de loup, qui sont collectés et analysés par nos équipes tout au long de l’année (il faut prendre en compte le temps et la logistique dédiés à cela). A cette échelle, elle sert surtout à suivre l’évolution de l’aire de présence d’une année sur l’autre ainsi qu’aux gestionnaires pour adapter le système de protection des troupeaux et d’indemnisation des dommages liés au loup. Les actualités du site loupfrance.fr, quant à elles, permettent de faire état de détections récentes, en zoomant sur tel ou tel territoire où l’espèce est nouvellement observée (voir par exemple nos articles récents sur la première détection en Eure et Loir et sur la situation en région Nouvelle aquitaine).
Le deuxième niveau, le suivi intensif, permet lui de dénombrer les groupes d’animaux territoriaux (cartes mises à jour 2 fois/an, à l’issue du suivi hivernal et estival), ainsi que leur effectifs a minima (on parle ici d’EMR) et d’en déduire un indicateur d’effectif de la population française de loups, mis à jour annuellement en sortie d’hiver.
Ce niveau de suivi opéré en France revêt un caractère exceptionnel. En effet, le loup est une des rares espèces de la faune française pour laquelle l’OFB rend des comptes à l’Etat à l’échelle de l’ensemble de son aire de répartition nationale, à une fréquence minimale annuelle. La qualité du suivi conduit par l’opérateur public français a été évaluée et soulignée à plusieurs reprises. Pourtant, aujourd’hui, ce niveau d’expertise atteint ses limites techniques, avec une population de loups qui s’étend géographiquement et numériquement. En effet la taille et l’étendue de la population de loups actuelle demandent des moyens logistiques, financiers et humains importants pour obtenir des indicateurs qui deviennent moins précis malgré l’ampleur des efforts déployés.
Quelques chiffres du système de suivi actuel :
- 40 départements de présence connue du loup
- 25 ETP/an à l’OFB pour le suivi du loup
- > 4000 correspondants du réseau Loup-Lynx
- une dizaine de formations chaque année, ~200 nouveaux correspondants par an
- une quarantaine de réunions de restitution locales chaque année
- > 3500 indices expertisés chaque année en plus des constats de dommage sur troupeaux domestiques
- 150 k€ d’analyses génétiques/an en moyenne, 380 k€ en 2019
C’est l’évolution normale et naturelle d’une méthodologie qui était bien adaptée à une population d’espèce sauvage à ses débuts, mais qui trouve ses limites dans un contexte de croissance large. Aussi, dans le cadre du Plan National d’Action sur le loup et les activités d’élevage (action 4.1), l’OFB a entamé un travail de révision de sa méthodologie de suivi dont l’application sur le terrain et la déclinaison en terme de stratégie de gestion de l’espèce seront vraisemblablement à mettre en place dans les années qui viennent. C’est cette démarche qui sera expliquée dans notre prochain article « Les coulisses du suivi du loup – saison 2 ».
P-E Briaudet / OFB