Détection en France de loups w1 et w2 de la population germano-polonaise

Depuis le retour du Loup gris au début des années 1990, l’ensemble des individus présents sur le territoire était de lignée w22, l’unique lignée génétique identifiée au sein de la population italo-alpine. Cependant, depuis 2017 le réseau Loup-lynx est témoin de l’arrivée de loups appartenant à d’autres lignées génétiques. Ces loups ont parcouru des centaines voire des milliers de kilomètres avant que l’on ne retrouve des indices de leur passage sur le territoire français.

Les lignées génétiques (ou haplotypes) de loups sont étudiées depuis une trentaine d’années par les chercheurs. L’analyse de ces marqueurs génétiques héréditaires permet aux scientifiques de suivre l’évolution temporelle et spatiale des populations européennes, en lien avec les enjeux de conservation de l’espèce. La récolte d’échantillons biologiques sur le terrain, réalisée en France par les membres du réseau Loup-lynx sur l’ensemble du territoire, est une étape préalable essentielle à l’analyse génétique en laboratoire. Lorsqu’un loup d’une autre lignée est identifié en France, c’est ensuite en échangeant avec les partenaires scientifiques européens que l’on peut espérer retracer le parcours et l’origine de ces loups.

Au total, onze loups mâles de lignée w1 et un loup mâle de lignée w2 ont été détectés en France entre 2017 et 2024. Parmi les douze individus, trois sont morts suite à une collision, deux autres suite à un tir réglementaire de prélèvement.

Le premier loup de lignée w1 est identifié en Lozère (48) en 2017. L’animal y restera au moins jusqu’à 2019 d’après les indices génétiques. Un deuxième loup de lignée w1 est détecté en 2020 dans les Vosges (88), et un troisième en 2022 en Haute-Saône (70). Dès 2023, le phénomène de dispersion s’est amplifié puisque, cette année-là, ce sont quatre loups de lignée w1 et un loup de lignée w2 qui sont identifiés. En 2024, quatre nouveaux individus de lignée w1 sont recensés.

Figure 1 : Carte animée représentant les localisations des loups w1 et w2 détectées en France entre 2017 et 2024 grâce aux données génétiques. Chaque point représente un indice biologique appartenant à un individu. Chaque individu est représenté par une couleur distincte et porte un code (génotype) permettant de l’identifier.

Grâce aux échanges avec les partenaires européens, l’origine de six de ces loups a pu être retracée avec certitude : ils proviennent de l’ouest de la population germano-polonaise. Cette population, présente en Pologne et en Allemagne (d’où le nom actuel), commence aussi à s’installer aux Pays-Bas, au Danemark, en Belgique et en République-Tchèque. Elle est composée, de même que les populations européennes plus orientales, essentiellement de loups portant les haplotypes w1 et w2.

Les parcours de ces six loups, retracés grâce aux données génétiques, sont représentés sur la carte interactive (Figure 2) ci-dessous.

Figure 2 : Carte interactive présentant les six individus dont l’origine a pu être  retracée grâce aux échanges avec les collaborateurs européens. Les déplacements de chaque individu sont visibles en cliquant sur la carte.

Les déplacements les plus notables dépassent le millier de kilomètres à vol d’oiseau. Le loup S80-093, de lignée w1, détecté en France (Haute-Saône (70)) en 2022 (Article détaillé) puis en Espagne en février 2023, a par exemple parcouru plus de 1 200 km en ligne droite. Le loup S83-109 a, quant à lui, effectué un trajet de plus de 1 000 km avant d’arriver dans le Finistère et d’y être génotypé en 2023. Enfin, le loup retrouvé mort des suites d’une collision à proximité de Fontainebleau est vraisemblablement né au sud-ouest de la République-Tchèque. Son trajet est estimé à plus de 1 400 km à vol d’oiseau, ce qui représente une des plus importantes distances détectées par la génétique chez le Loup gris à ce jour.

L’arrivée de loups d’autres lignées présage, à terme, un brassage génétique avec la population italo-alpine installée en France, dont les individus sont tous porteurs de l’haplotype w22. Si aucune reproduction mixte n’est encore avérée en France, ce n’est peut-être qu’une question de temps. Dans les pays frontaliers, des reproductions mixtes sont déjà suivies, comme en Belgique ou encore en limite entre l’Allemagne et la République-Tchèque.

Finalement, ces données mettent en évidence l’importance des collaborations entre les scientifiques européens ainsi que l’intérêt de poursuivre les activités de recherche d’indices génétiques de Loup gris en France à travers le réseau Loup-lynx.

Rédaction

Contact presse : Nicolas JEAN – Office français de la biodiversité – Direction des grands prédateurs terrestres – nicolas.jean@ofb.gouv.fr

Rédacteurs : équipe réseau Loup-lynx