Depuis 2015, la région Nouvelle-Aquitaine est un territoire de présence occasionnelle du loup, comme en témoignent plusieurs données relevées, analysées et retenues au cours de cette période en Dordogne, Corrèze, Creuse, dans la partie Béarnaise des Pyrénées-Atlantiques (massif du Jaüt), ainsi que tout récemment en Charente maritime.
Une veille est ainsi assurée par les services départementaux de l’ONCFS depuis 2013 (premiers agents ONCFS formés comme correspondants du Réseau loup-lynx, en amont de l’arrivée de l’espèce, dénommés « sentinelles »). De plus, le positionnement géographique du territoire néo-aquitain vis-à-vis de la dynamique spatiale en expansion du loup, place la région sur le front de colonisation de l’espèce, ce qui a conduit l’ONCFS à engager depuis un an un processus de formation de « correspondants du réseau multi-partenarial Loup/Lynx », désormais constitué de 170 personnes opérationnelles sur les départements de la Corrèze, Haute-Vienne, Dordogne et Pyrénées-Atlantiques. Une session de formation spécifique pour l’ habilitation « constats de dommages » a également été mise en place en 2019 au profit d’un nombre supplémentaire d’agents des Services Départementaux de l’ONCFS de Nouvelle-Aquitaine. Il est prévu de renforcer le nombre de correspondants du Réseau au cours de l’année 2020.
Par ailleurs, des cellules de veille loup ont été mises en place par les Préfets en Haute-Vienne, Corrèze et Dordogne. Un comité Grands Prédateurs est en place depuis plusieurs années dans les Pyrénées-Atlantiques (ours-loup). Ces instances permettent de réunir périodiquement l’ensemble des acteurs du dossier.
Au cours des dix premiers mois de l’année 2019, 130 fiches indices ont été transmises pour expertise à la Délégation Régionale Nouvelle-Aquitaine de l’ONCFS en charge de l’animation régionale du Réseau multi-partenarial loup/lynx, prouvant ainsi le dynamisme de ce déploiement récent (voir carte ci-dessous). Parmi ces indices de présence, certains présentent assez de critères convergents pour les retenir comme attribuables à l’espèce loup : 2 observations visuelles d’un animal, le 20/01/2019 en Creuse (commune de Champagnat) et le 15/05/2019 en Dordogne (commune de Milhac d’Auberoche). Tout dernièrement plusieurs clichés d’un animal pris en Charente-Maritime sur les communes de St Thomas de Cornac (clichés ci dessus) et Chenac St Seurin d’Uzet. Si la présence du loup en Charente-Maritime est une première depuis plus d’un siècle, l’espèce est connue pour sa grande capacité de dispersion. Ces individus qui dispersent sont alors en phase de colonisation. Ils peuvent parcourir plusieurs centaines de kilomètres avant de se fixer, et ceci, en quelques jours. Le système de colonisation par « bonds » est caractéristique de l’espèce. Le nouveau territoire d’installation peut être séparé de la meute d’origine de plusieurs centaines de kilomètres, laissant des espaces vides qui peuvent être colonisés par la suite. Ceci explique notamment certaines observations isolées, loin des zones de présence permanente connues, comme c’est le cas en Charente-Maritime. Ces individus en phase de dispersion peuvent séjourner plusieurs mois dans un secteur avant de le quitter. La rapidité de déplacement et la discrétion de cet animal d’un point à un autre fait que l’espèce peut facilement passer inaperçue le long de son trajet de dispersion. Cette présence Charentaise constitue la détection de présence la plus occidentale documentée depuis le retour de l’espèce en France.
Dans un contexte où l’élevage (ovin et bovin) représente l’un des socles de l’activité économique agricole, un peu plus d’une dizaine de constats de dommage sur troupeaux domestiques réalisés depuis le début de l’année dans le département des Pyrénées-Atlantiques (sources : Géoloup), présentaient des caractéristiques techniques ne permettant pas d’exclure la responsabilité du loup (voir carte ci-dessus). Ces attaques ont fait l’objet d’indemnisation financières, tout comme d’autres cas où l’absence d’éléments techniques interprétables ne permet pas retenir la donnée comme indice de présence de l’espèce mais ouvre droit à indemnisation pour l’éleveur, suivant le principe du « bénéfice du doute ». Parallèlement une série de cas d’attaques de chiens sur troupeaux domestiques a été relevée dans plusieurs départements au cours des derniers mois (Dordogne, Charentes…).
Devant l’inquiétude des éleveurs et de la profession agricole, la préfète de la Creuse, les préfets de la Corrèze et de la Haute-Vienne ainsi que la Direction Régionale de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt (DRAAF) ont décidé de lancer conjointement une étude de vulnérabilité des élevages de leur territoire, au risque de prédation par le loup.
Cette étude qui s’inscrit dans le cadre du plan national d’actions loup et activités d’élevage 2018-2023 sera co-financée par la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt (DRAAF) et le Conseil Régional de Nouvelle Aquitaine. Le diagnostic réalisé doit permettre, compte tenu des modes d’élevage en présence, de se préparer à l’arrivée et l’installation éventuelle du loup sans perte de temps, en déployant l’arsenal de mesures de protection/prévention ou en envisageant de nouvelles. A l’issue d’un appel d’offre, elle a été confiée à l’Institut de l’Elevage (IDELE) qui la mènera en partenariat avec les Chambres départementales d’agriculture de la Creuse, de la Corrèze et de la Haute-Vienne en associant également des experts du réseau national COADAPHT (sur la coadaptation entre prédateurs et humains dans leur territoire) reconnus pour leurs connaissances dans les relations entre pastoralisme et prédation. La Délégation Régionale Nouvelle-Aquitaine de l’ONCFS a été associée à la rédaction du cahier des charges de cette étude et est membre du comité de pilotage de l’opération. La livraison des conclusions devrait avoir lieu en mai 2020. Une réflexion comparable est également engagée en Dordogne.
Y. de Beaulieu / ONCFS