Retour sur le cas du loup de Valberg

Un jeune Loup gris dénutri, soigné et relâché en 2020

La première opération de sauvetage et de relâcher d’un loup sauvage en France a été réalisée avec succès en août 2020 suite à la découverte d’un louveteau en détresse neuf mois plus tôt sur la commune de Valberg dans les Alpes-Maritimes. Bien rétabli et prêt à recouvrer une vie sauvage dans une zone jugée adéquate, le jeune loup a été suivi pendant 86 jours avec un collier GPS avant de disparaitre des radars. Une enquête judiciaire, classée sans suite, a été menée afin de connaitre les causes de sa disparition, suite à la découverte de son collier émetteur en janvier 2021. La discrétion imposée par la procédure judiciaire étant maintenant levée, nous pouvons désormais récapituler les faits.

Prise en charge du louveteau amaigri et malade

Fin 2019, un Loup gris âgé de moins de six mois est signalé sur la commune de Valberg dans les Alpes-Maritimes. Ce louveteau, livré à lui-même, subsiste en se nourrissant dans les gamelles des chats du village. Une opération de capture est organisée dans le cadre d’une collaboration entre les services de l’OFB et du SDIS 06. Le 2 novembre 2019 une équipe mixte composée d’agents de l’OFB et d’un vétérinaire sapeur-pompier capturent cet animal par télé-injection afin de le soumettre à un examen sanitaire. L’individu est en état de dénutrition avancé et atteint de gale sarcoptique. Il est placé en centre de soin spécialisé sur la faune sauvage dès le 3 novembre où il a pu être nourri et soigné par des personnes habilitées. Le jeune loup ayant retrouvé toutes ses facultés physiques et ayant été jugé non imprégné par l’Humain, la question de son relâcher était soulevée.

Figure 1 : Photographies du louveteau de Valberg à sa prise en charge en centre de soin de la faune sauvage © Correspondant OFB

L’opération de relâcher

Le 24 juillet 2020, la ministre de la Transition écologique (MTE) décide que le relâcher en milieu naturel est la solution la plus pertinente pour cet animal. Suite à cette décision, un protocole est élaboré dans le but d’assurer la survie de l’animal en définissant une zone de relâcher adaptée, notamment afin de limiter les risques qu’il n’entre en contact avec l’Humain ou ses activités pastorales. Il s’agissait de trouver un territoire domanial, éloigné des habitations et ne comportant pas de troupeaux ovins à proximité pour limiter les risques de dommages.

Ainsi, le site de relâcher a été identifié près de Lus-la-Croix-Haute, en limite entre les Hautes-Alpes et la Drôme. Les difficultés de régénération forestière liées aux fortes densités d’ongulés sauvages étaient un paramètre supplémentaire pris en compte dans ce choix.

Le 4 août 2020, l’opération de relâcher du loup de Valberg est mise en place (Figure 2), mobilisant une équipe restreinte. L’individu est alors équipé d’un collier GPS-GSM (par cette technologie, les géolocalisations sont téléchargées lorsque l’animal se rapproche d’un relai téléphonique) avec émetteur VHF, ce qui permet de suivre ses déplacements et de s’assurer qu’il ré-adopte bien un comportement sauvage. En outre, cet équipement autorise la localisation de l’animal pour un éventuel retrait en cas de prédation avérée sur les troupeaux domestiques. Une communication institutionnelle a ensuite été faite par le MTE aux membres Groupe National Loup en date du 28 août 2020 pour les informer du relâcher de cet animal.

Figure 2 : Photographie du relâcher du loup de Valberg la nuit du 4 août 2020 © Correspondant OFB

Au total, 1 790 localisations ont pu être obtenues entre le 4 août 2020 et le 29 octobre 2020, date à partir de laquelle le collier émetteur a cessé d’émettre les géolocalisations (Figure 3 et Figure 4). Sur ces 86 jours, le jeune loup a parcouru plus de 603 km, couvrant un territoire de 1 522 km2. Durant cette période, il est revenu plusieurs fois sur certaines zones, dont celle du relâcher. Il a traversé des secteurs de meutes de loups connues, ainsi que plusieurs routes. Aucune d’observation près d’une zone habitée n’a été signalée, attestant que l’individu n’était pas imprégné par l’Humain malgré les soins dont il a bénéficié. D’autre part, les localisations de cet animal indiquent qu’il n’aurait pas été impliqué dans des attaques sur du bétail. Au cours de ses pérégrinations, cet animal a pu être photographié par des pièges photographiques posés pour le suivi de l’espèce.

L’animal évoluant sur des zones parfois dépourvues de réseau téléphonique, il était fréquent que les données de l’émetteur GSM ne soient collectées qu’au bout de plusieurs semaines. Les dernières données GPS du 29 octobre ont localisé l’animal entre les communes de Gigors-et-Lozeron et Plan-de-Baix dans la Drôme.

Figure 3 : Cartographie des localisations du loup de Valberg entre le 4 août 2020 et le 29 octobre 2020 obtenues grâces aux données GPS-GSM

Déplacement journalier du loup de Valberg

Figure 4 : Déplacements quotidiens du loup de Valberg entre le 4 août 2020 et le 29 octobre 2020

Suite à l’absence de signal pendant près de quatre semaines, des opérations de recherche par VHF ont été organisées le 27 novembre 2020, mais sans succès. Ce n’est que le 22 janvier 2021 que le collier GPS est signalé à l’OFB par un tiers. Il aurait été retrouvé le 20 janvier le long d’une route départementale, près de la commune de Plan-de-Baix (Drôme).

Une enquête judiciaire particulière

La découverte singulière du collier émetteur chez un particulier (Figure 5) a mené à l’ouverture d’une procédure judiciaire le jour même. L’objectif était de déterminer les causes de la disparition du loup de Valberg et de lever les soupçons sur une potentielle implication humaine. Le secret de l’instruction a été préservé durant toute la durée de l’enquête.

Figure 5 : Photographie du collier GPS-GSM du loup de Valberg récupéré le 22 janvier 2021 © OFB

Jusqu’au 10 décembre 2021, date de clôture de la procédure, plusieurs personnes ont été interrogées et les services de la police scientifique ont été mobilisés. Des recherches d’une potentielle dépouille ont été réalisées sur la route départementale, mais sans résultat.

Le collier en cuir avait des fibres arrachées, mais pas de coupure. Le boitier en plastique du collier présentait des marques et des éraflures, ce qui a amené les experts à privilégier l’hypothèse d’un choc par un véhicule avec trainée sur route bitumée. L’extraction des données enregistrées par le boitier a permis de déterminer que le collier s’était retrouvé immobile, au bord de la route, à partir du 13 novembre 2020, date de la présumée collision. Cela montre par ailleurs que l’animal a continué à se déplacer entre le 29 octobre et le 13 novembre 2020, mais dans un secteur trop éloigné d’un réseau téléphonique, empêchant le téléchargement de ces dernières localisations.

Ainsi, l’affaire est classée sans suite pour absence d’infraction caractérisée par le Parquet de Valence. L’animal est très certainement mort, même si aucune dépouille n’a été retrouvée. L’hypothèse que le loup de Valberg ait survécu au choc en perdant son collier reste peu probable, d’autant plus que l’individu n’a pas été détecté par les suivis génétiques les années suivantes.

Ce que l’on peut retenir

Cette opération a essuyé de nombreuses polémiques, dès la prise en charge du louveteau jusqu’à la fin de l’enquête judiciaire. Le relâché d’un loup en détresse après soins demeure un sujet sensible en France, touchant autant les acteurs impliqués dans la protection de l’espèce que ceux soumis à son impact.

Bien que controversé, ce sauvetage a tout de même été une réussite du point de vue technique. Tout d’abord le vétérinaire et le centre de soin de la faune sauvage ont effectué un travail exemplaire, permettant à l’animal de retrouver toutes ses facultés. Le jeune loup a pu être relâché sans être imprégné par l’Humain et s’est réadapté à un mode de vie sauvage. Il n’est pas retourné dans les jardins rechercher de la nourriture pour animaux domestiques comme on aurait pu le craindre. De plus, le site a aussi été bien choisi, puisque l’individu a vite adopté un comportement typique de recherche de territoire, en subvenant à ses besoins grâce aux proies sauvages.

Finalement, cette expérience de relâcher a suscité une grande curiosité car il s’agit d’une première en France. Les questions autour de l’affaire judiciaire classée sans suite participent à cette émulation. Le loup de Valberg fait même l’objet d’un livre écrit par la romancière Pauline Briand qui sera publié le 8 novembre.

Rédaction

Contact presse : Nicolas JEAN – Office français de la biodiversité – Direction des grands prédateurs terrestres – nicolas.jean@ofb.gouv.fr

Rédacteurs : équipe du réseau Loup-lynx