Les deux ZPP loup historiques du Grand Est, Hautes-Vosges (2012) et Saint-Amond (2014), présentent des signes de déclin.
Sur la ZPP Hautes-Vosges (88/68/70/90), les indices collectés par le Réseau se font de plus en plus rares, ce qui semble indiquer un recul de la présence du loup sur cette zone. Le suivi hivernal 2019/2020, pénalisé par le manque de neige, n’a pas permis de détecter le loup par pistage. Et malgré le déploiement d’un suivi photographique sur le secteur depuis début 2019, aucune photo de loup n’a été obtenue, alors que le lynx a été détecté à plusieurs reprises. A signaler qu’un crâne de loup, confirmé par analyse génétique et dont le génotype est pour le moment inconnu, a été trouvé en mars 2020 sur la tourbière de Machais (88). Par ailleurs, on dénombre 4 constats de dommage « prédation / loup non écarté » (2 versant vosgien et 2 versant haut-rhinois), considérés comme des indices de présence de l’espèce sur cette ZPP courant de l’année 2020.
Sur la ZPP Saint-Amond (54/88/55), le bilan du suivi photographique réalisé par le Réseau fait état de 61 détections par photo pour l’année 2020 (311 depuis 2015), ne montrant toujours qu’un seul individu. Ce suivi a montré la présence régulière d’un individu jusqu’à la fin juin 2020, puis un arrêt brutal de sa détection, tout type d’indices confondus, sans qu’aucune explication ne puisse être avancée.
Sur ces deux ZPP, le Réseau poursuit son travail pour préciser l’évolution de leur statut. Sur le massif, le suivi hivernal présente toujours un enjeu particulier pour la détection et le suivi génétique de l’espèce.
En marge des deux ZPP, la présence du loup est détectée en 2020 sur plusieurs autres secteurs de la région Grand Est, témoignant de la dynamique de dispersion et de colonisation de l’espèce.
Une « zone à surveiller » apparait dans le sud du Bas-Rhin (67), secteur Champ du Feu / Vallée de la Bruche (Grendelbruch). Des indices de présence de diverses natures sont en effet régulièrement collectés depuis l’été 2019 sur le Champ du Feu et depuis l’été 2020 sur Grendelbruch (première détection : prédation / responsabilité du loup non écartée, le 23/07/2020). Le suivi photographique, mis en place courant 2019 sur le Champ du Feu et fin d’été 2020 sur Grendelbruch, ne montre sur l’ensemble des 10 détections qu’un seul individu. Toutefois, en l’absence de collecte régulière de matériel biologique et donc de suivi génétique en continu, il est impossible de savoir s’il s’agit d’un seul et même individu ou d’une succession d’individus différents depuis la première détection de l’espèce sur le secteur fin mai 2019. A signaler par ailleurs le témoignage d’une observation de 2 individus vus ensemble, dont la description est compatible avec l’identification du loup, mais qui n’a jusque-là pas pu être confirmée par d’autres indices. L’unique prélèvement ayant permis la réalisation d’analyses génétiques (fèces et urine collectés le 12/12/2019 sur la commune de Belmont) a montré qu’il s’agissait d’un loup mâle de lignée italo-alpine (W22), individu déjà connu grâce au suivi génétique (S60-27), hybride de première génération, identifié la première fois en novembre 2018 dans la vallée de la Maurienne (Savoie-73) soit un mouvement de dispersion de plus de 350 km.
En Haute-Marne (52), la présence de l’espèce, suspectée depuis plusieurs mois en raison de prédations typées, a été confirmée par une photo prise au mois de septembre dans le secteur de Joinville, concerné par plusieurs constats de dommage classés « responsabilité du loup non écartée » depuis le printemps 2020.
Dans l’Aube (10), une vidéo authentifie la présence d’un loup en septembre sur la commune de Bar-sur-Seine. Par ailleurs, quelques cas de prédation pour lesquels l’intervention du loup n’a pas été exclue, localisés dans le sud du département en limite avec l’Yonne, révèlent également la présence de l’espèce dans le département.
Dans le département des Vosges (88), un individu présent depuis la mi-août dans l’est du département, puis en limite avec la Haute-Saône, a été abattu dans la nuit du 22 au 23 septembre 2020 sur la commune du Val d’Ajol dans le cadre d’un tir de défense simple autorisé par arrêté préfectoral en raison d’importants dommages aux troupeaux domestiques. Ce loup mâle adulte a été analysé sur le plan génétique : celui-ci présente une origine génétique dite « W1 » (nomenclature de Pilot et al, 2010), haplotype couramment détecté dans les populations de loups de l’Europe du Nord et de l’Est, et notamment majoritaire dans la population germano-polonaise. Il s’agit du premier spécimen de cette lignée génétique détecté par le suivi du Réseau en région Grand Est. Des échanges sont en cours pour comparer son génotype (identification individuelle) avec celui des individus suivis dans les populations des pays voisins dont il est probablement originaire. D’après certains recoupements d’informations, il pourrait en effet s’agir d’un individu issu d’Allemagne et détecté courant 2020 aux Pays-Bas, puis en Flandre et en Wallonie, et connu pour ses prédations fréquentes sur bovins.
Sur ces nouveaux secteurs de présence, le Réseau se mobilise pour préciser le statut de l’espèce, en cherchant à distinguer l’individu de passage détecté ponctuellement de celui qui s’installe sur un territoire et pourrait à terme y fonder une meute.
M-L Schwoerer / OFB